On commence par le visage
Je commence toujours par le visage car il guide beaucoup l’expression de la pièce et le risque est assez élevé de devoir s’y prendre à plusieurs reprises : du coup, on peut l’effacer sans abîmer le reste de la peinture.
Les avis divergent sur le niveau de précision à atteindre ; certains arguent qu'à cette échelle (30mm), on ne peut que suggérer des ombres.
Je ne suis pas tout à fait d'accord. En évitant bien entendu le syndrome des yeux exorbités, les regards, leur direction et toutes les expressions du visages peuvent dire quelque chose avec une précision atteignable, même en 30mm.
Le regretté Mike Taylor suggèrait, que, les jours de grande fatigue, nous devons nous dire que notre peinture est un juste hommage au sculpteur qui, si vous y regardez de près, a bien contribué à donner une expression à ses visages ; votre peinture ne va quand même pas se situer en deçà ?
Il faut dire que ce fou furieux arrivait à mettre un éclat de lumière sur la monture des lunettes du roi dans son Alice, toujours en 30mm !
Résolument, nous chercherons donc bien à donner une expression à chacune de nos pièces
- Les teintes
Les teintes peuvent être relativement simplifiées (franchement un mélange de burnt sienna et de blanc suffit le plus souvent pour la couche de base en 30mm ...). Les ombres principales se font au burnt umber (ersatz du brown madder alizarine pour ceux qui ont encore la chance d'en disposer). On pourra rougir légèrement les chairs et les foncer au bleu (indigo ou de prusse) qui est une alternative plus riche que les seuls bruns et ochres.
La couleur de base peut se réchauffer au jaune de mars (plus expressif que le classique yellow ochre), notamment pour les grandes dimensions (voir plus loin).
Quelques pointes de blanc pur viendront donner le relief définitif aux expressions.
Certains suggèrent le caput mortuum pour ombrer le visage, notamment au niveau de la barbe. De fait, cette teinte très couvrante contient un mauve qui simule d'emblée les teintes particulières des parties sombres des joues. Le choix est à caler en fonction de l'ambiance du reste de la peinture. - Les principaux éléments du visage
La bouche : il faut essayer de dessiner une forme à la lèvre supérieure en rouge foncé, marquer nettement la jonction des lèvres, et éclaircir de rose pâle la pulpe de la lèvre inférieure.
Un petit pli foncé de burnt umber est suggéré sous la lèvre inférieure pour la rehausser. Le menton est rehaussé de teinte claire, presque au blanc.Les yeux peuvent se travailler sur fond d'une couche de base encore fraîche :
- on dégage le blanc de la couche de fond au niveau des yeux avec un pinceau juste humide de diluant,
- un trait de noir, pour chaque cil supérieur marque la forme du regard. C'est un moment essentiel car ces deux trais marquent de façon décisive, à la manière des personnages de bandes dessinés, l'expression du regard. Or le noir est une couleur très puissante, dans toutes les marques d'huiles et un trait raté ne se corrige pas. Le geste est particulièrement difficile pour les regards de face nécessitant une symétrie droite et gauche : la logique voudrait que l'on pose le pinceau dans le coin de l'oeil pour effiler le trait vers l'extérieur ; et du coup, sauf à être ambidextre, cela suppose un geste peu naturel pour l'oeil situé à notre gauche. Pas de mystère, il faut s'y entraîner ...
- on renforce le blanc de l'oeil par une amande à l'huile,
- un trait léger de burnt sienna suggère les cils inférieurs ;
- et à son tour un trait éclairci souligne par dessous l'ensemble de l’œil ;
- un demi-point noir (même en plat, l'iris est en partie caché par la paupière supérieure !) pour chaque œil marquent la direction du regard, tout aussi essentiel en plat qu'en ronde-bosse,
- et un mini-point blanc pour l’éclat dans l’œil (si, si, c’est possible) : à faire sur peinture sèche pour se garder le droit à l’erreur dans cette ultime touche,
- lorsqu'on travaillera le reste du visage, au niveau des pommettes, une légère ombre en burnt sienna peut suggérer la partie inférieure de la paupière (jusqu'à dessiner une poche sous les yeux).
Le front se travaille avec les sourcils : sans que je puisse totalement me l'expliquer, il ne faut pas chercher à les dessiner en foncé : même pour une chevelure brune, le dessin des sourcil contribuera bien à l'expression, mais sera réalisé uniquement dans sa limite inférieure par une ombre partant du dessus du coin intérieur de chaque oeil : par sa forme et selon l'expression que l'on voudra donner au visage, elle suffit à suggérer l'arcadre sourcillière et le sourcil lui-même, qui sera dessiné, pour sa partie supérieure en clair (plus clair que le front, avec une transition subtile). Pour achever de marquer le sourcil, on peut foncer légèrement sa ligne supérieure, mais, à l'exprience, cela conduit le plus souvent à l'alourdir sans améliorer la suggestion de l'expression.
Le front est éclairci pour marquer le reflet de la lumière.Les joues sont accentuées en creux, comme la partie moins éclairée derrière l'arrête du nez, le pli depuis la base du nez jusqu'au dessin de la mâchoire inférieure : ils sont fondus avec une touche légère de bunrt umber, de caput mortuum ou des bleus évoqués plus haut.
En finition, sur peinture sèche, il faut éclairer franchement les pommettes, l'arcade sourcilière, le menton et le nez, ce qui est la façon la plus efficace de forcer le contraste final. La ligne de la machoire sera également remise en évidence, mais un peu fondue vers les joues.
En fait, l'expression du visage s'exprime :
- par peu de traits, qui seront efficaces au niveau des sourcils pour la force du regard, ou au niveau de la bouche,
- par des contrastes fondus pour le reste du visage. Et souvenez-vous : pour foncez subtilement une partie du visage, il vaut mieux parfois éclairer ce qui l'entoure,
- et par des rehauts finaux assez francs, qui viennent créer le contraste. - Le cas particulier du profil
(A venir) - Les grandes dimensions
Évidemment, en 75 ou 120mm, on visera à réaliser un véritable portrait. Pour un résultat vraiment remarquable, n’essayez pas de le réaliser dans le vide : un portrait est toujours plus vivant si vous cherchez à reproduire un vrai visage. L’image théorique que vous en avez en tête sera au mieux équilibré, au pire ridicule : sauf à vraiment avoir les canons parfaitement en tête, vous risquez d’y imprimer des approximations qui correspondent à l’importance mentale que vous donnez aux différents éléments et pas à la réalité d’un visage humain ; regardez comment les enfants positionnent les yeux toujours beaucoup trop haut, car il n’est pas inné de vraiment considérer qu’ils se trouvent au milieu du crane et qu’entre eux l’écart est égal à la taille de chacun d’eux, entre autres canons autour desquels s'articulent les variantes qui font la diversité.
Mieux encore, ce sont justement ces écarts qui lui conféreront toute sa personnalité.