L'importance de la préparation

Bien évidemment, la préparation doit être parfaite : le spectateur aura tout le loisir d’observer le moindre détail et il serait dommage qu'un défaut non corrigé de la figurine brute vienne gâcher le travail de peinture. Or ces corrections, souvent simples à réaliser au début, le sont beaucoup moins en cours de peinture : elles imposent des manipulations de la figurine peu compatibles avec l'intégrité de la couche de fond, les zones éventuellement déjà peintes et, plus simplement, sa fragilité.
Plus encore, une bonne préparation facilitera le travail de peinture en améliorant la visibilité sur les détails de la pièce et en constituant un support fiable pour la peinture.

  • Ébarbage et corrections
    La pièce est soigneusement ébarbée : en général, c'est le tour de la figurine qui retiendra surtout l'attention. Pour les figurines les plus complexes (chevaux, groupes ...), on n'oubliera pas les détours intérieurs ; il est parfois nécessaire de repercer des interstices comblés lors du moulage. On utilise des limes et micro-limes (qu'il convient de nettoyer régulièrement avec une petite brosse métallique afin d'en garder le mordant ; le papier de verre est également très efficace : plus rapide, il a l'avantage de ne pas risquer de créer un creux que l'on a vite fait de provoquer par un limage trop localiser.
    Attention : fragile
    Les lances, épées et tous les accessoires fragiles doivent être traités avec beaucoup d'égard : aussi léger que soit votre coup de lime, il imprime toujours une force supérieure à la résistance de l'aliage d'étain. Certes, celui-ci est conçu justement pour plier sans casser, mais cela a des limites. Il faut soutenir l'arrière de la partie ébardée pendant le limage.
    On fera également attention au risque d'échauffement provoqué par la friction : il suffit à fragiliser les parties les plus fines et à les rendre plus cassante. La seule chaleur des doigts qui tiennent trop longtemps la pièce suffit à cet échauffement. On interrompt donc régulièrement l'ébarbage et on laisse la pièce reposer quelques instants.
    Cette phase est aussi une première occasion d'observer les détails de la pièce, d'en comprendre les volumes et de constater que des trous peuvent devoir être comblés. Je préfère les putty de maquettistes comme celui de Tamiya, pouvant être rendus presque liquide avec de l'acétone, que le milliput que je trouve trop "lourd" pour cet usage ; je le réserve, comme d'autres produits similaires, à la correction de certaines parties de gravures qui devront éventuellement être comblées et corrigées (un futur article sera consacré à la transformation des plats).
    On efface sans pitié les blasons et autres broderies ; là, pour le coup, on peut râler contre les graveurs qui se cassent la tête à les mettre en relief ; ces détails n'ont aucune raison d'être à cette échelle et ils sont gênants lors de la peinture. Le stylo-gomme en fibres de carbone, qui permet d'accéder à des zones centrales sans altérer les bordures est un outil intéressant. Pour les visages, cela dépend de la gravure et de l'échelle : les sourcils et l'enfoncement des orbites peuvent être intéressant, ainsi qu'une ébauche du nez. On peut (voire on a intérêt à) se passer du reste (la bouche notamment) et à le peindre en trompe l’oeil.
    Un ultime petit coup de paille de fer viendra uniformiser les surfaces et d'estomper les rayures : c'est important pour le métal et plus encore pour les zones corrigées en pate, dont la porosité brute peut être sensiblement différente. Léger, ce petit coup, afin de ne pas effacer les détails.
  • Gravure : un plat, ça peut s'améliorer
    Je me souviens d'une conversation avec Louis Bécavin alors que nous admirions une peinture de Mike Taylor ; il me dit au détour d'une phrase, comme si de rien n'était : "il regrave sans doute les pièces".
    Comment ça il "regrave" ? On ne se contente pas de limer les bords ? Et bien non : on peut améliorer un plat et les zones de transitions en précisant la gravure.

    On peut utiliser à cette fin nos cutters habituels.
    On peut aussi acquérir, pour des sommes relativement modiques au regard de leur durée de vie, les outils dont disposent les maquettistes :
    - pour éliminer les éléments en aspérité (boulons par exemples sur les blindés) : une sorte de petit scrapper à double outil adapté aux droitiers comme aux gauchers ;
    - pour regraver les lignes de structures : outil en crochet pour bien retirer la matière ;
    - on peut encore ajouter la fraise montée sur mini-perceuse. Pour disposer d'outils vraiment adaptés à l'échelle, j'ai personnellement fait appel à ma charmante dentiste, qui s'amuse de me voir récupérer avec gourmandise ses fraises usagées (qu'elle désinfecte avec beaucoup d'attention) : ce qui est usé pour le dur émail de nos dents reste largement assez abrasif pour l'étain malléable de nos figurines.


    "Lissage" du bouclier et du diadème, ajout de texture à la peau du dragon et au niveau de la gorge ...

    Se protéger des poussières de métal
    Nous ne faisons plus guère attention aux précautions d'usage écrites sur les boîtes de nos figurines ; les plats n'en ont d'ailleurs pas pour la plupart. En anglais, il est indiqué que les pièces sont dangeureuses si elles sont "mâchées ou avalées" ; de fait, cela ne doit pas être fréquent ! Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que l'ingestion est dangeureuse.
    On fera donc attention à la limaille qui résulte de nos ébarbages : on ne travaille évidemment pas à proximité d'un espace culinaire ; on travaille autant que possible au dessus d'une poubelle ou d'un support qui pourra être changé ; on nettoit les résidus et on se lave consciencieusement les mains.
    Il serait quand même dommage que notre activité si inoffensive nous amène droit au saturnisme ...
    Ça peut être aussi le cas pour les grands plats : comment croyez vous qu'a été faite l'une des superbes interprétations des 4 saisons, vue lors de sa sortie à Kulhmbach ? Toutes les zones de fleurs ont été limées et reconstituées seulement par un travail de peinture en trompe l’œil.
    Et oui, on ne nous dit pas tout ...
    Sur ces mêmes pièces, tous les visages avaient intérêt à être remis quasiment à plat.
    C'est vrai a fortiori pour du 30mm, même en considérant la nécessité d'exagérer les contrastes, ce qu'il vaut mieux confier à la phase de peinture.

    Heureusement, j'ai fait ma mue sur le sujet avant d'attaquer les 4 arts : les visages moulés sont hideux et je ne parle pas des poitrines ; pas besoin d'être un expert en chirurgie esthétique pour jauger la catastrophe : il faut relever tout ça et redonner un galbe autrement plus glamour.
    Pour reconstituer les "volumes", j'utilise le plus souvent du milliput ou la pâte à deux composants d'Andrea, mais je suppose que les autres donnent des résultats équivalents. Je travaille surtout au cure-dent, dont je trouve qu'il permet des zones de transition plus douces que les outils métal. Le lissage se fait au pinceau et à l'eau. Comme j'ai une confiance mesurée dans l'accroche à long terme, je met un rien de colle cyano avant de poser la pâte : celle-ci reste modelable en surface, mais s'accroche de façon sûre sur le métal. Et surtout, on veille bien à ce que la surface soit aussi parfaitement lisse que celle du métal.

  • Nettoyage
    Il s'agit d'enlever à la fois le résultat de nos divers ponçage et toute trace de graisse qui pourrait résultat du moulage et de la manipulation de la pièce. Nettoyage obligatoire à l'eau vinaigrée (plutôt qu'au savon, qui risque de laisser une pellicule). Séchage une nuit pour être sûr d'obtenir une surface sèche sans rien abîmer en essuyant à l'essuie-tout (tout au plus, on peut juste tapoter afin d'enlever les plus grosses gouttes).
    Oublier cette phase se ressent dès la sous-couche : elle prend par endroit un vilain aspect satiné moche sur lequel l'huile n'accroche pas ou sèche sans devenir bien mate.
    Il s'agit aussi d'une ultime occasion d'observer la pièce avant d'attaquer la sous-couche. Si on dispose du matériel nécessaire, il peut être utile d'en prendre une photo : elle constituera une trace de la figurine brute avec tous ses détails, dont il arrive que certains soient empâtés et brouillés avec les travaux de peinture, même précautionneux, notamment au moment de la sous-couche.
  • Sous-couche
    Fond blanc bien sûr :
    - pas d'acrylique, surtout pour les grandes pièces : l'acrylique sèche de façon rigide et à la moindre torsion (ce qui peut arriver, même en étant précautionneux lors de la peinture), il se fissure et se détache en plaque, alors que l'humbrol reste relativement souple,
    - au pinceau : outre qu'un coup de bombe ou d'aérographe trop lourd risque d'empâter les détails ou peut laisser une surface grêlée, la peinture au pinceau permet à nouveau une observation fine de la pièce et la bonne compréhension de ses détails ; je peins d'ailleurs même cette couche avec ma visière loupe ; cela permet également d'éviter toute trace, poil ou poussière indésirables,
    - deux à trois couches espacées de 24h, légères mais blanches quand même (certains parlent de la "consistance du lait" : je n'ai jamais compris ce que ça veut dire ...) ;
    - brossage léger à la vieille brosse à dent entre chaque couche pour éliminer les aspérités en tout genre.

    Les deux faces de la pièce seront apprêtées afin de la protéger entièrement contre toute oxydation.
    Certains suggèrent de peindre l'arrière en noir, de façon à être sûr d'avoir des contours bien nets. J'ai essayé : bof :
    - le noir déborde à l'occasion sur le côté blanc ce qui oblige à reprendre le blanc au risque de l'empâter,
    - il est facile de bien veiller, depuis la face peinte, à bien traiter les bords,
    - le noir mat d'humbrol, à la longue, prend des reflets pas très jolis et la couche n'a surtout pas l'air bien solide ; c'est un simple sentiment, mais il est tenace,
    - qui sait si vous ne déciderez pas un jour de peindre la seconde face ?

    Ça y est ? Vous avez fini ?
    Regardez mieux car il sera très compliqué d’y revenir :
    - l’ébarbage n’a-t-il rien laissé passer ? On est surpris parfois de constater les énormes défauts qu’on a pu omettre ; pour un peu, on peut les soupçonner de s’être momentanéement cachés dans la quatrième dimension ...
    - la couche de fond n’a-t-elle pas révélé des défauts de moulage ou de gravure ; revérifiez que vous la comprenez bien, dans tous ses détails ; et si certains accessoires vous restent mystérieux, il est encore temps de vous renseigner pour ne pas risquer de contresens (un accessoire en métal que vous peindriez en bois par exemple …),
    - vérifiez encore que la peinture n’a pas empâté de détail, qu’elle ne présente aucune coulure et qu’elle n’a pas emprisonné de poussière. Vérifiez également que le pinceau n’a pas laissé des sillons dans le blanc : même superficiels, ils risquent d’être visibles en trame dans la peinture finale.

    Retenez surtout que la peinture ne cachera absolument aucun défaut.

Et on pose enfin la pièce sur son support de peinture. On n’y touchera plus avec nos gros doigts graisseux jusqu'à son achèvement. Je choisis en général un fond blanc (plaque de carton-plume ; tout en ayant un morceau de papier Canson noir à portée de main pour jauger au fur et mesure de l'effet final) : il m'oblige à forcer le contraste en phase de peinture.
D'autres, arguant qu'in fine la pièce sera présentée sur fond noir (c'est pas faux), peignent donc ... sur fond noir.
M. Taylor et beaucoup d'anglais si j'en crois la société britannique de plats d'étain, conseillent un fond neutre type carton.
Bref : faites comme bon vous semble.