Mike Taylor
Partie 5, Peinture, section 9 : Peindre les métaux (page 92)

(Auteur : Michael Taylor, traduction : Stéphane Coudert, avec l'autorisation de Mark Taylor).

Tôt ou tard, vous aurez à peindre quelque chose de métallique. Que ce soit le pommeau d’une antique dague de bronze, la baïonette d’un grenadier ou une armure toute entière, un problème prévaudra : comment rendre ça brillant. La première chose à garder en tête est que lorsque la lumière frappe une surface polie, elle est reflétée dans cette surface. Plus la surface a d’éclat, plus la lumière se reflétera brillamment. Comme c’est la lumière, et non la peinture, qui produit la brillance, et comme nous utilisons des peintures, pas de la lumière, il n’y a aucun moyen pour nous d’atteindre exactement cet effet. Cependant, plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour l’imiter.

Polissage
Les peintres de plat ont de la chance car leurs figurines sont faites en métal et, lorsqu’elles sont polies, présentent une belle surface brillante. Cela peut être accompli simplement en frottant les parties appropriées de la figurine (heaume, plaques de poitrine, lame d’épée, etc …) avec une épingle pliée un objet similaire dur et arrondi. En faisant ainsi, on utilise la surface de la figurine pour réfléchir la lumière la même manière que sur un objet véritable. Cependant, comme nos figurines sont plates, l’effet ne sera pas aussi convainquant qu’il le serait sur des rondes-bosses, qui sont l’exacte réplique miniature de la réalité. La partie polie d’un plat doit donc être ombrée pour créer l’illusion de la profondeur et la solidité.
Pour cela, un jus très fin de couleur à l’huile est peint sur le métal poli (en utilisant un pinceau large et doux) en la laissant s’insinuer dans les creux de la figurine. Puis, après quelques heures, quand la peinture a séché un peu, les zones qui reçoivent l’éclat de lumière sont doucement nettoyées avec un morceau de coton, un tissu ou un pinceau sec. La peinture restante devrait avoir teinté suffisamment le métal pour créer des zones d’ombres, en mettant en évidence les fins détails de la gravure. Les couleurs utilisées pour le jus dépendront de la nature du métal à représenter : du noir pour l’argent et le fer, du bleu pour l’acier, Burnt Sienna pour du métal rouillé, Indian Yellow pour l’or, etc … L’intensité de la couleur et la brillance donnée à la surface dépendront du sujet. Il faut se souvenir (et ceci est valable pour toutes les méthodes) que « les chevaliers en brillante armure », par exemple, n’étaient pas toujours si brillants : beaucoup d’armures du Moyen Âge étaient lourdes et ternes. Même l’armure des conquistadors rouillaient souvent du fait des pluies tropicales d’Amérique centrale, ou étaient peintes en noir pour l’éviter. Évitez donc le traitement façon Hollywood, gardez l’authenticité à l’esprit et ne polissez pas exagérément. Une fois cela terminé, les parts restantes de la figurine peuvent recevoir leur sous-couche et être peintes comme d’ordinaire.
Vu en photographie, les plats polis ont d’habitude bonne allure, mais en vrai (quand ils sont regardés sous différents angles et sous différentes conditions lumineuses), ils perdent souvent leur crédibilité. Cela est largement dû à leur taille et à l’impossibilité d’atteindre les subtilités d’ombres et de réflexions par cette méthode. Les plats polis n’ont pas non plus une grande cohérence car quand leurs parties métalliques traitées rapidement sont juxtaposées avec celles qui ont été peintes avec précaution, le conflit de texture et de technique entre elles crée une ambivalence. Si la méthode de polissage peut être l’une des plus simples à utiliser, ce n’est pas celle qui donnera les meilleurs effets.

Peintures métalliques
Avant que les standards de peinture n’atteignent leur niveau actuel si incroyablement élevé, beaucoup de peintres représentaient le métal en utilisant des « peintures métalliques » et les ombraient de même. Cela donnait certainement une brillance aux figurines, mais la nature du pigment pose également problème. Certains peintres continuent à utiliser ce médium et, s’ils sont à l’aise avec lui, pourquoi pas ? Les peintures métalliques sont simplement une fine poudre métallique en suspension dans une résine liquide transparente. Plus la poudre est fine, mieux c’est pour la peinture, mais même la plus haute qualité présente une forme de grossièreté pour les plats. Les peintures métalliques existent sous une grande variété de productions, de qualité et de teintes, et ne doivent jamais être mélangées (car cela fait perdre le contrôle sur leur consistance). A la place, transférez un peu de pigment sur une palette jetable et diluez avec du white-spirit ou de la térébenthine. Il est également important d’éviter que ces peintures ne polluent vos huiles : gardez un jeu de pinceaux séparés pour ce travail et n’utilisez jamais avec une autre peinture un diluant qui a été utilisé pour des peintures métalliques.
L’utilisation de peinture métallique pour de fins détails ne posera aucun problème. Les boutons, par exemple, n’ont besoin que d’une petite tache de couleur pure. Les zones plus grandes, comme les heaumes ou les plaques de poitrail auront besoin d’ombrages et ils existent deux méthodes : soit vous mélangez la couleur de l’ombre (noir dans l’argent ou brun dans l’or) dans la peinture et mélangez de la manière habituelle, en ajoutant du pigment pur pour les spots de lumière après coup ; soit vous peignez la totalité de la zone avec la couleur métallique, en ajoutant l’ombrage (à l’huile) quand la zone a séché. Pour des parties moins brillantes (les cottes de mailles par exemple) où un scintillement est seulement nécessaire, la méthode opposée s’applique. Couvrez d’abord la zone de noir (huile ou « Humbrol »), puis brossez à sec (appliquez une petite quantité de peinture aux parties saillantes de la figurine avec un mouvement léger d’époussetage) avec de la teinte argent Humbrol.
Les peintres peuvent trouver les métaux comme l’or, le laiton (rappelons que les laitons sont des alliages, principalement composés de cuivre et de zinc, NdT) ou le cuivre moins faciles que le fer ou l’acier , et, même si toutes ces teintes sont disponibles en peinture métallique, elles requièrent souvent plus de subtilités pour être ombrées. L’or et le laiton, par exemple, donnent un meilleur effet lorsqu’ils sont appliqués sur une base jaune ; de la même façon, le cuivre nécessite une sous-couche orange. Pour ombrer, utilisez des jus de Raw Sienna pour l’or, Raw Umber pour le laiton, et Indian Red pour le cuivre. Puis ajoutez les éclats de lumière avec de la couleur pure. Pour terminer, il y a le bronze qui, lorsqu’il est appliqué sur un plat, peut paraître assez criard. Essayez de mélanger de l’argent et du cuivre plutôt, et ne soyez pas effrayé de modifier encore ce mélange avec des huiles – après tout, l’expérimentation est la clef d’une peinture réussie, quel que soit le médium.

Encres d’imprimerie
Si vous avez la chance de connaître quelqu’un qui travaille dans le domaine de l’imprimerie et qui est capable de vous procurer des encres, notamment métalliques, n’hésitez pas. Or et argent sont disponibles en différentes teintes, qui fournit un médium idéal pour produire un fini métallique réaliste sur les plats. Ces encres sont fournies sous forme de pâte et sont plutôt épaisses et grumeleuses, mais, quand elles sont diluées au « gold size » (un adhésif liquide à base d’huile utilisé pour la dorure, NdT) ou du white spirit, elles produisent un superbe aspect doux et brillant. Pour les effets de métal très poli, un peu de vernis peut aussi être ajouté.
Les encres d’imprimerie peuvent être appliquées sur les figurines plates avec la fluidité de peinture à l’huile diluée, produisant une surface parfaitement unie et sans grain. Elles sont idéales pour ajouter des détails, comme des galons d’ornement, des vêtements, et peuvent être ombrées à l’huile. Il reste important, cependant, de garder un jeu de pinceau (et du diluant) séparés pour leur utilisation.

Simulation
La méthode finale pour représenter les objets métalliques de façon réaliste est de loin la plus difficile à maîtriser, mais elle donne les résultats les plus satisfaisants. Si vous regardez les tableaux des anciens maîtres (Rembrandt en particulier), vous verrez qu’aucune peinture métallique n’est utilisée. Les effets d’armures polies ou d’autres objet métalliques étaient obtenus en posant des plans de couleur et de tonalité de telle façon que l’oeil est trompé en voyant ce qui apparaît comme la réalité. Analyser ces effets constitue la moitié de la bataille à mener pour les interpréter ; nous devons donc commencer par étudier leur cause.
Les surfaces brillantes, comme les miroirs, reflètent les reflets de leur entourage, et plus ces surfaces sont polies, plus est élevée la définition des objets reflétés. La couleur des objets sera influencée par la couleur de la surface réfléchissante. Par exemple, la couleur de tout objet reflété par un vase en laiton recevra une teinte jaunâtre du fait de la couleur du métal. L’argent n’a pas de couleur, de ce fait, toute image réfléchie apparaîtra de la même couleur que l’objet lui-même.
Une autre considération est la forme de la surface réfléchissante. Si elle est complexe (comme une armure complète), ces zones de brillance, couleurs réfléchies et formes seront également complexes. Ajoutez à ceci le fait que quand les objets brillants sont déplacés, toutes les réflexions peuvent changer complètement, et on comprend à l’évidence que tenter de représenter le métal de façon convaincante n’est pas un objectif facile. Le problème de base réside dans l’impossibilité d’observer certains effets de ce que nous voulons peindre. Les peintres comme Rembrandt auraient eu des modèles à partir desquels travailler ; pour notre part nous n’avons que des illustrations, qui ne nous apprennent pas toujours ce dont nous avons besoin. Cependant, avec la compréhension de quelques principes de base et un peu de pensée abstraite, nous pouvons aborder le problème en confiance.

Simulation des métaux
Nous avons déjà appris comment rendre un objet solide en utilisant ombre et lumière, et comment, en plaçant une lumière réfléchie derrière la zone sombre, on peut aboutir à une impression de volume. La même chose s’applique dans ce cas, mais avec quelques modifications et additions. Une armure sera traitée comme une série de cylindres, mais, au lieu de réaliser des variations tonales douces en mélangeant les valeurs de teintes, nous allons représenter des zones de valeurs tonales en bandes adjacentes, avec des frontières tranchées et un minimum de fondu (illustration ci-contre). Ces zones iront du clair au foncé, comme d’habitude, mais avec, de temps en temps une zone claire venant s’intercaler. Plus le contraste est grand entre ces bandes, surtout dans leur alternance, plus la brillance est représentée intensément. La zone la plus éloignée de la lumière (derrière la partie la plus sombre) recevra encore une petite lumière réfléchie, comme pour tous les objets ronds ; en plaçant une zone de reflet au cœur de la zone sombre, on aboutit à une brillance métallique réaliste.
Les couleurs utilisées pour ces bandes sont généralement des combinaisons variées de noir, blanc et bleu, mais ne soyez pas trop généreux avec le bleu car cela peut donner une allure de métal chromé. Ajoutez plutôt, éventuellement en glacis, du Raw Umber ou du Burnt Umber. Pour les zones de lumière réfléchie, un mélange de Prussian Blue, Flake White et Winsor Green (autrement dit du turquoise) fonctionne très bien.
Les métaux comme l’or ou le bronze sont traités exactement de la même façon en utilisant des jaunes, des ombres, de l’orange et de l’ocre. Les objets faits de ces métaux peuvent produire des réflexions hautement compliquées et distordues, donc étudiez-les chaque fois que c’est possible. Plus nous observons, questionnons et analysons, plus notre capacité de pensée abstraite est grande – et, croyez-moi, lorsqu’il s’agit de représenter du métal, cela est souvent nécessaire.