Daniel Canet : l'excellence par la précision
Je lui laisse la parole.
J'ai admiré ces pièces dans la revue "Tradition Magazine" et au palais des expositions à la Défense lors des salons du modélisme de l'époque. Jusqu'alors je réalisais des dioramas sur le thème de la seconde guerre mondiale, véhicules et figurines multi-poses, ainsi que des maquettes de bateaux et d'avions à partir de boites telles que Heller ou Airfix et d'autres.
Je peins également des figurines ronde-bosse depuis 1987.
N'ayant aucune culture artistique, c'est sur le tas que j'ai appris en étant curieux et en n'hésitant pas à faire critiquer mes pièces . Une bonne documentation, la visite de musées et l'examen des tableaux de peintres célèbres ou non sont des apports inestimables, sans oublier les échanges sur différents forums. Mes préférences vont aux peintres "naturalistes" pour la précision presque photographiques des œuvres et au Caravage pour son travail sur les éclairages. C'est en participant à des concours que je progresse ; c'est durant ce genre de manifestations que nous avons le plus de chance de rencontrer en une seule fois un maximum de passionnés et de pouvoir échanger. Je considère la médaille comme la cerise sur le gâteau et la reconnaissance de mon travail. Après sept ans de pose, j'ai repris sérieusement les pinceaux en 2009 à la création du club "LES AMBARRES" auquel j'ai immédiatement adhéré.
- Mes préférences
Les 3 axes principaux de mes travaux sont les chevaliers de la Toison d'or, les étendards des Ducs de Bourgogne et les timbaliers et trompettes.
Je n'hésite cependant pas à m'attaquer à tout coup de cœur qui se présente. Ma préférence va aux plats "traditionnels" en métal d'une taille ne dépassant pas le 75mm et dans les thèmes historiques. Je ne suis pas allergique aux thèmes fantastiques, au contraire, mais en plats comme en ronde-bosse je n'ai pas assez d'imagination pour les peindre. - La préparation
Je traite essentiellement des pièces en métal mais tout, à part certaines phases de préparation, peut s'appliquer aux pièces en résine.
- j'ébarbe délicatement le bord des pièces avec le dos d'un cutter en n'hésitant pas à accentuer certains détails que la coulée du métal aurait remplis.
- je passe la surface à la brosse laiton douce puis je nettoie la pièce au liquide vaisselle avec une brosse à dents.
- les grosses imperfections sont comblées avec du mastic "Tamyia" blanc (tout mastic fin fait l'affaire).
- les plus petits trous sont comblés avec une couche de peinture Humbrol blanche dans laquelle j'ai incorporé du talc.
- je supprime les gravures en relief (motifs décoratifs, héraldiques...) dont la peinture n'est pas d'une rendu satisfaisant, ces motifs seront peints à main levée.
- je ponce délicatement chaque zone de la pièce avec un papier de verre "carrossier" très fin.
- la surface à peindre est couverte d'un peinture acrylique blanche en bombe, couches fines et homogènes. Je ne mets pas de sous-couche colorée pour une raison simple : il est plus facile de travailler des contrastes forts à partir d'une surface blanche.
- la surface non visible (mais nous pouvons aussi peindre les 2 faces) est recouverte de peinture acrylique pour la protéger de l'oxydation. - Le support
Il doit être facilement manipulable (ne pas oublier que c'est la pièce qui se positionne sous le pinceau et non l'inverse, sinon nous avons très vite un balai dans les mains)(note : c'est-à-dire qu'il faut que le pinceau travaille à la verticale, dans l'axe de ses poils, pour ne pas s'user prématurément), je prends un morceau de carton d'emballage non pelucheux dans lequel j'insère la semelle du plat. Contrairement au noir, la couleur du carton ne contraste pas énormément avec le blanc de la pièce, c'est moins fatiguant pour les yeux et cela oblige à forcer les contrastes en peignant. - La peinture
J'utilise uniquement de la peinture à l'huile extra-fine de différentes marques (Rembrandt, Lefranc, Van Gogh, Sennelier….). Mon stock de tubes s'est constitué au cours des années, enrichi par l'expérience des uns et des autres et par curiosité; c'est la pratique qui me fait choisir une marque plutôt qu'une autre en fonction de l'effet recherché.
Je fais dégorger mes pigments en les malaxant sur un papier absorbant quelques minutes.
Les pigments ne doivent pas trop dégorger, et même pas du tout s'ils sont un peu secs; l'huile de lin clarifiée que je rajoute accélère le séchage, d'autant plus si le pigment est trop sec ; elle augmente également la capacité couvrante et la matité de la peinture. Les bons dosages viennent vite avec la pratique. Je fais les mélanges sur ma palette en incorporant à la demande et à la pointe du pinceau de l'huile de lin clarifiée. Je peux ainsi contrôler l'onctuosité et l'opacité de mes teintes.
Je construis mes dégradés sur la palette et reporte ceux-ci sur la pièce blanche sans mélanger les teintes (par juxtaposition) et je travaille ensuite les fondus (photos ci-contre).
- saisie d'une pointe d'huile puis mélange avec un peu de peinture puis pose sur la pièce,
- nettoyage du pinceau puis séchage complet sur le carton qui va absorber le diluant,
- et rebelotte ... Une règle essentielle : choisir un angle d'éclairage et s'y tenir pendant toute la durée du travail de peinture, en veillant à ce que l'éclairage de toutes les zones de la pièce soit cohérent.
Je trouve que beaucoup trop de plats sont peints avec un éclairage perpendiculaire à la pièce ce qui écrase les volumes et va ainsi à l'encontre du but recherché. - La présentation
Je ne suis pas un adepte des présentations chargées qui ont tendance à détourner les regards de la pièce principale, aussi je me contente de cadres simples. - Le matériel
- un cutter,
- du papier de verre carrossier très fin,
- une brosse laiton douce,
- du mastic très fin,
- un morceau de palette pelable,
- un morceau de papier absorbant,
- un morceau de carton non pelucheux,
- de l'essence de térébenthine rectifiée (pour nettoyer le pinceau ou nettoyer la pièce quand je dérape),
- de l'huile de lin clarifiée,
- un pinceau souple et fin (j'utilise uniquement un pinceau Winsor et Newton série 7 taille 3/0 – poils de 6mm),
- un pinceau brosse doux (je l'utilise uniquement pour lisser les très grandes surfaces),
- de la peinture à l'huile extra fine,
- de la peinture acrylique blanche (en bombe ou en pot),
- un peu de talc,
- une bonne documentation si nécessaire,
...Et beaucoup de passion !
- le talc pour donner de la structure au blanc mat que l'on peut utiliser pour combler les lacunes minimes de la gravure,
- l'usage de l'huile lin, que d'autres ne recommandent pas (seules les très petites quantités utilisées et la finesse des couches de peinture évitent sans doute l'augmentation du temps de séchage et le fini plus satiné),
- la technique de fondu de la peinture, qui évite de re-mélanger, en les travaillant sur la pièce, les teintes qu'on avait pris la précaution de séparer.
- l'usage quasi-exclusif d'un pinceau 3/0, garantie sans aucun doute de la précision de la peinture. Une phrase m'interpelle dans ce qu'il nous dit, "en passant" : "trop de plats sont peints avec un éclairage perpendiculaire à la pièce ce qui écrase les volumes".
Il nous confirme que peindre un plat, ce n'est pas colorier une figurine, c'est lui donner vie, en imposant une lumière spécifique.
Le fait qu'il nous le rappelle spontanément en ces termes (en nous parlant de lumière et non de sa traduction en ombres), ce n'est déjà plus de la technique : c'est la marque du talent.