Zoom sur les contrastes

L'usage du noir
Il fut un temps où l'on s'interdisait l'usage du noir dans le domaine de la figurine. De fait, absence de couleur, le noir éteint toute information. On lui préfère des ombres colorées obtenue par mélange de couleurs complémentaires. C'est d'autant plus vrai que le terme de "noir" ne veut pas dire grand chose ; il suffit d'y ajouter du blanc pour voir les teintes sous-jacentes qu'il cache.
Pour le plat, où la notion de contraste prime, je l'utilise de plus en plus pour marquer les limtes franches. On l'a vu utilisé pour des ombres portées nettes pour les superbes éléphants de chasse qui ont obtenu une médaille d'or à Sèvres en 2014 ; ce choix était cohérent avec l'équilibre des contrastes dans le reste de la pièce.
Pas de tabou donc, mais une recherche d'équilibre : même le noir doit pouvoir dire quelque chose et ne doit pas empêcher l'exploitation de chaque millimètre de la pièce.
Le trompe l’œil, c’est le contraste. Il faut le forcer, accentuer les lignes d’ombre, faire flasher les éclats de lumière. Et ce d'autant plus que nous travaillons sur de petites tailles. Pour être expressive, une peinture doit être contrastée.
Cela dépend sans doute du tempérament, mais pour ce qui me concerne, je sais que j’ai besoin d’en faire plus que ce que je ferais spontanément.
Évidemment, il ne faut pas non plus en faire trop. Il faut donc pratiquer, tester … Un autre article évoquera l’usage qui peut être fait de la photographie pour accompagner cette prise de conscience.

Si vous observez les tableaux qui cherchent à exprimer la profondeur d'un paysage, et même d'ailleurs si vous observez directement un paysage, notamment tôt le matin, vous constatez que l'effet de profondeur est traduit par plusieurs estompes :

  • de netteté, c'est évident : plus le paysage est lointain, plus il est flou. C'est l'effet de profondeur de champ, surtout valable pour les grandes distances et donc peu pour nous ; les photographes en jouent pourtant même pour des portraits ; mais ils sont de bien plus grande taille et l'effet ne serait pas compris pour nos petites pièces,
  • de chaleur des teintes : elles se refroidissent avec l'éloignement, les montagnes ou les forêts lointaines devenant une ligne bleutée ou gris vert. On préfèrera donc les couleurs chaudes en premier plan et les couleurs froides pour les plans arrières,
  • de saturation : les teintes franches sont réservées au premier plan ; elles palissent avec l'éloignement. On accentuera la désaturation des couleurs pour les plans arrières, avant même que de les ombrer, ce qui est autre chose.

  • Les contrastes doivent être forcés aux petites échelles pour rester expressifs ; il faut avoir la sensation d'en faire juste un peu trop pour que le trompe l’œil fonctionne. D'autant que le séchage atténue sensiblement les contrastes, notamment dans les éclaircies et la netteté de la ligne noire marquant les différences de plan les plus franches ; il n'est souvent pas inutile d'y revenir dans le sec.
    Une petite évidence doit être rappelée ici. Pour foncer une zone, il y a DEUX manières :
    - soit on fonce la zone,
    - soit on éclaire la zone adjacente !
    Tout est relatif en effet. C'est tellement évident qu'on l'oublie souvent ; et la seconde solution offre souvent des modulations plus subtiles de la lumière. C'est notamment vrai pour les visages (voir l'atelier qui leur est consacré).
    Pour le métal, la même évidence s'applique sur le foncé : pour faire ressortir une zone éclaircie, forcez sur la zone foncée adjacente ; observer les tableaux de guerriers en armure pour achever de vous en convaincre. Et voyez au passage l'infinie complexité des ombres et des reflets ; ça ne s'invente pas et l'interprétation d'un modèle réel est la seule façon d'atteindre le réalisme.

    Certains ajoutent encore du noir pour forcer l’ombrage global (et zénithal) de la figurine. C’est un choix qui peut faire énormément d’effet en observation "lointaine", surtout aux petites échelles, mais qui ne doit pas altérer la qualité des détails, qui peuvent rester visibles, même dans l'ombre. Regardez par exemple, dans l'un de ses auto-portraits, comment le regard de Rembrandt, même plongé dans l'ombre, continue de nous marquer de son expression pénétrante.

    Tout cela est affaire de nuance, de pratique et de personnalité. On touche là au choix personnel du peintre : le Gréco marquait de noir ses différences de plan, alors que les maîtres flamands jouaient d'un nombre effarant de glacis pour ménager des transitions parfaites ... Il est essentiel d'apprendre des autres tout en gardant son style et l’authenticité de ses interprétations. Le débat est infini et renvoie aussi à l’intérêt de contribuer aux expositions, afin de toujours se confronter à d'autres choix. Ce sujet qui fera l’objet d’un prochain article.