Mike Taylor
Partie 5, Peinture, section 5 : Ombres projetées (page 82)

(Auteur : Michael Taylor, traduction : Stéphane Coudert, avec l'autorisation de Mark Taylor).

En appliquant des ombres projetées à un plat, le peintre n’ajoute pas seulement de la crédibilité à la figurine, mais il accentue aussi l’illusion qu’elle a une troisième dimension. Il est toutefois surprenant de constater des peintres expérimentés et par ailleurs excellents semblent ignorer cette aspect de la peinture de plat. Quand ces ombres sont représentées, elles peuvent soit magnifier soit casser une figurine, selon la façon dont elles sont interprétées. Mais pour les interpréter, il faut d’aborder comprendre leur nature.
Une ombre est une zone de luminosité réduite sur une surface, causée par l’obstruction des rayons lumineux par un objet opaque. En termes simples, cela signifie que lorsqu’un objet se tient devant un autre, le premier projettera son ombre sur le second. Bien que ce soit quelque chose que nous connaissons tous, certains semblent oublier que pour peindre une ombre correctement, d’autres facteurs doivent être considérés, comme la position, la couleur, le ton et la forme. Plus encore, parce que l’ombre à alimenter une figurine en structure tonale, elles doivent être réfléchies (mais pas nécessairement placées) à un stade précoce de la peinture.

Position
Toutes les ombres se forment dans la direction de la lumière, donc si celle-ci vient d’une source placée en haut à gauche, l’ombre apparaîtra en bas à droite. Un point à se remémorer est que si l’objet opaque touche la surface que laquelle l’ombre se forme, l’ombre elle-même touchera cet objet. Inversement, quand il y a un espace entre l’objet et la surface, l’ombre peut apparaître à une petite distance de l’objet, selon l’angle de la lumière. En fait, c’est l’angle de la lumière qui détermine la position de toutes les ombres et, plus encore, leur longueur. Cela constitue une raison supplémentaire de l’importance de conserver une source lumineuse fixe.

Couleur
La confusion s’installe souvent quand il est fait mention de la couleur de l’ombre ; il est facile de supposer qu’une ombre, qui n’est rien d’autre qu’une aire moins éclairée, n’a pas de couleur du tout. Alors que certains peintres à l’ombre comme disposant d’une couleur qui va modifier toutes celles situées dans sa surface, d’autres considèrent comme tout à fait simple de lui donner une teinte plus sombre que la surface colorée. Beaucoup d’artistes du passé (particulièrement les premiers aquarellistes) construisaient leurs ombres progressivement, appliquant d’abord l’ombre elle-même sur un fond blanc, en utilisant une couleur neutre froide, tel que du brun.
Puis la zone d’ombre recevait plusieurs glacis avec de la couleur locale translucide, et parfois elle était modifiée avec d’autres jus de couleur locale mélangée avec une teinte pour représenter la couleur réfléchie. De telles subtilités techniques sont sans doute d’un effet remarquable quand cela se regarde sur des grandes aquarelles ou des tableaux à l’huile, mais seront à peine visibles sur un plat de 30mm. C’est pourquoi, dans la plupart des cas, les ombres sont traitées au mieux avec des tons plus foncés que les surfaces sur lesquelles elles tombent, et leurs couleurs doivent être mélangées en conséquence.
Indépendamment de la couleur, l’ombre projetée ne doit jamais paraître trop lourde ou opaque, tout particulièrement lorsqu’elle tombe sur une surface présentant un motif ou des détails importants. Ces détails doivent toujours être visibles dans la surface de l’ombre et c’est là qu’un glacis sera nécessaire.

Ton
La valeur tonale d’une ombre dépendra de trois facteurs : le ton de la surface sur laquelle l’ombre tombe ; la position de l’ombre en relation à la fois avec l’objet réfléchissant (celui qui projette l’ombre) et avec la source de lumière ; et la distance et l’angle entre à la fois la lumière et l’objet réfléchissant en relation avec la surface qui reçoit l’ombre. Le premier point nous indique que si la surface recevant l’ombre est d’un ton vert pâle, le ton de l’ombre sera un vert un peu plus sombre. Cependant, la distance entre l’objet réfléchissant et la surface de réception doit aussi être prise en compte : plus elle est courte, plus l’ombre sera sombre, et vice-versa (en fonction de l’angle de la lumière). De même que l’angle de la lumière peut changer la position de l’ombre, elle peut aussi altérer sa tonalité. Vous pouvez démontrer tout cela par vous-même en tenant un crayon et un morceau de papier blanc sous une lampe. Bougez-les à différents angles et distances, approchez-les de la lumière, expérimentez et observez de ce qui se passe.
La façon d’assombrir une couleur ne nécessite pas plus d’explication, et son application est similaire à celle utilisée pour les autres formes d’ombrage. Cependant, quand des ombres portées apparaissent sur des surfaces très sombres (noir par exemple), leur valeur peut n’apparaître qu’à peine, ce qui n’aura aucun effet pour accentuer la qualité tridimensionnelle d’un plat. On peut facilement y remédier en utilisant une technique employée par le maître de l’interprétation réaliste, Salvador Dali. Au lieu d’assombrir encore l’ombre (au risque d’une plus grande opacité), éclairez prudemment la couleur immédiatement autour de l’ombre, en la fondant sur l’extérieur de l’ombre ; l’effet peut être stupéfiant. Si le traitement de Dali concernant les ombres projetées est souvent contradictoire avec les règles (et son surréalisme n’est certainement pas apprécié de tous), la façon dont il traite les tonalités et sa capacité à faire émerger les objets sont absolument éblouissants.

Forme
La forme d’une ombre est déterminée à la fois par la forme de l’objet qui obstrue la lumière et le contour de la surface sur laquelle tombe l’ombre. Par exemple, si un sabre parfaitement droit pend sur le côté d’un cheval, l’ombre du sabre sera vu non pas comme une ligne droite, mais comme une courbe qui suit les contours du corps du cheval. D’autres exemples souvent trouvés en peinture de plat concernent les ombres projetées des rênes sur la gorge d’un animal, un bras ou une arme tenu devant le corps d’un soldat ou une roue sur le côté d’un char ou d’un chariot. Ces exemples et d’autres sujets similaires devraient poser peu de problèmes aux peintres, s’ils font preuve d’un peu de sens commun et d’une grande puissance d’observation.
Cependant, certains plats sont si complexes dans leur dessin qu’ils peuvent conduire même les peintres les plus zélés, si ce n’est les plus accomplis, à des erreurs de distraction. Par exemple, les plats « en groupe » (comprenant souvent plusieurs personnages superposés sur une même base) dont la qualité en terme de profondeur repose presque entièrement sur l’application des ombres portées. Position, valeur et forme seront mises à l’épreuve ; inutile de le dire, elles ne sont pas faites pour les débutants. Une ombre projetée peut avoir une limite douce ou dure (voir Section 3 Mélanger et fondre), et on doit en tenir compte quand on donne sa forme à l’ombre. Le principe est simple : une limite douce est appliquée lorsque la lumière est diffuse ou lorsque l’objet qui obstrue se trouve à distance de la surface de réception ; une limite dure est utilisée lorsque l’objet est très proche et/ou lorsque la lumière est très forte.
Si vous avez des incertitudes sur la position ou la forme d’une ombre, plutôt que d’abandonner, mettez là en place. Quand l’ombre d’une lance, placée le long d’un bouclier convexe, continue à vous faire douter de sa crédibilité après plusieurs essais, ayez recourt à l’imitation. Découpez un bout de papier, utilisez une allumette pour représenter la lance, tenez les deux contre une lumière et observez les résultats. Un autre outil pratique pour former des ombres dans des situations difficile est la Plasticine ; soyez empirique et découvrez par vous-même.