Sèvres, édition 2018

Malgré quelques rencontres exaltantes, je me suis moins amusé que d'habitude à l’édition 2018 de l’exposition de Sèvres. Peu de choses ont retenu mon attention côté figurine, où j’ai cru voir beaucoup de redites, hormis un cavalier perse au caparaçon tout en finesse ; il faut dire qu'une large place était faite à une belle rétrospective "Metal Modele", dont j'apprécie bien entendu la qualité et la plus qu'honorable histoire, sans que la thématique soit dans ma sphère d'intérêt. Quelques pièces extrême orientales confirmaient l'intérêt graphique de cet univers ; de beaux chevaliers et templiers exhibaient une peinture d'une extrême finesse et des mises en scène audacieuse. La catégorie « Fantastique » m’a paru d'une créativité modérée alors que c’est elle dont le délire complète souvent avec bonheur l’académisme des catégories historiques. Mais bon, c’est peut-être moi … Il n’est pas impossible que le contexte de ce week-end particulier ait pesé sur mon appréciation.
Vous trouverez sur le forum des canonniers ou sur celui du Forum de la figurine des galeries qui vous en donneront une bonne idée.

Pour ce qui concerne les plats, il y avait de belles choses. Mais l’ensemble était assez disparate, en qualité comme en sujets.

Il y a les « plats de résine » d’inspiration manga. Bien faits et agréables à l’œil, mais qui mériteraient d’être mieux contextualisés : quelles sont leurs sources d’inspiration, l’univers dont elles sont issues ? Cela pourrait enrichir des pièces dont le matériau est sans valeur et pour lesquelles l’exercice d’interprétation n’offre que peu de marge de manœuvre : cela induit une impression de répétition, expo après expo, surtout lorsque les mêmes pièces sont présentées encore et encore avec quelque chose qui vire à l'obstination, nonobstant l'intérêt pour chaque expo de les donner à voir.

Il y a les bustes ou portraits, souvent d’inspiration Fantasy. Leurs peintres ont bien du mérite à essayer d’en faire de belles pièces, car leur gravure est souvent médiocre. On a beau reconnaître à juste titre les efforts déployés en matière de contraste, de lumière ou de détails apportés à la peinture, il y a toujours une perspective bancale, un regard torve, qui empêche de s’extasier complètement.

Il y a aussi les copies de copies (de tableaux, de miniatures, voire d’autres plats …) : c’est souvent superbement bien fait, mais à quoi bon ?

Il y a des tentatives de présentation qui essaye de briser les habitudes. Là encore, l’exécution est pointilleuse. Leur kitsch est parfois un peu encombrant, mais il ne faut pas non plus bouder son plaisir face à une recherche d’originalité indéniable.

Peu de diorama/boite de plats à Sèvres ; il faut aller à Kulmbach pour en voir, dans la grande tradition allemande. Dans cette catégorie néanmoins, les deux cadres mettant en valeur les créatures de Jérôme Bosh étaient très impressionnants, notamment celui les mettant en scène dans « le jardin des délices ». Courageux.

Et puis il y a les vignettes et les 30mm. Ils ont clairement ma préférence, en toute subjectivité. Je ne suis absolument pas impartial, mais j’y trouve mon compte en matière de délicatesse (qui n’est pas du kitsch cette fois), de recherche perpétuelle de la lumière, et d’évocation : ces plats-là me racontent une histoire.
J’y ajoute les plus grandes versions : il est toujours agréable de retrouver les cavaliers de feu-Quadriconcept, dont l’intérêt ne me semble pas vieillir. Les versions présentées cette année n’étaient néanmoins pas mes versions préférées, malgré leurs belles palettes de couleur.

Parmi les 30mm, il y avait un petit ensemble de Davide Chiarabella assez formidable. Sa peinture est vraiment très "propre" et résiste au regard le plus exigeant. Il existe sur You Tube quelques vidéos où il explique quelques unes de ses techniques de peinture. A découvrir.
Je présentais quand à moi une série que j'ai intitulée "Scène de salon", que je détaille dans mes galeries.

Mais surtout, j’ai à nouveau vécu l’expérience déjà connue avec les plats du regretté Mike Taylor, même si la technique est différente et le résultat, sans rien enlever à l’illustre, beaucoup plus vivant : en jouant sur une richesse de teintes infiniment supérieure, Daniel Canet, puisque c’est lui, aboutit à des pièces extrêmement subtiles, contrastées sans rien assombrir, lumineuses sans rien caricaturer.
En regardant ses deux cavaliers, j’ai cherché au plafond le spot qui les éclairait si délicatement, alors que les lumières de la salle sont assez aléatoires ; de spot, il n’y avait pas : la lumière émanait des pièces elles-mêmes. Les manches des cavaliers, leur fraise, les croupes des chevaux … Tout cela vibre, irradie puis glisse et s’assombrit, s’efface sans sombrer dans un noir encombrant. Évidemment, il faut savoir regarder.
(Guerre de trente ans, mort de Gustave II Adolf, roi de Suède, 6 novembre 1632 à la bataille de Lützen en Allemagne)
La nouvelle recherche qu’il mène en particulier sur la peinture des chevaux nous promet de beaux développements.

Sans aller jusqu’à imaginer la mise en place de sous-catégories (je n’ai aucune compétence ni prétention sur la façon d’organiser un concours-expo, et ce doit être bien compliqué), peut-être qu’une petite organisation de la « mise sur table » permettrait d’offrir une vision plus élégante de l’ensemble. Visiblement, le dépôt de ses pièces (précautionneux !) par chacun ne permet pas de la faire spontanément émerger ; moins en tout cas que dans le domaine des figurines, où la notion de display crée une juxtaposition de petits îlots bien pensés par leurs créateurs.

Je termine par une rencontre qui m’a réjoui : Guillaume Brétégnier (le petit-fils !) reprend le moulage de séries d’anthologie, avec un enthousiasme communicatif. A (re-)découvrir absolument, avec notamment gardes et dragons de Louis XIV, la fameuse série du sacre de Napoléon, celle consacrée à Jeanne d’Arc …
Il édite en parallèle un ouvrage illustré d’aquarelles dans la grande tradition de la figurine historique (« Les dragons, des origines à 1918 »). Plus de détail sur son compte Facebook. J'ai retrouvé avec lui le charme, qu'on aurait tort de croire suranné, des séries présentées par le regretté Christian Terana. Je lui souhaite tout le succès possible et, rêvons un peu, la perspective de susciter la création de nouvelles séries dans la catégorie reine du 30mm.
Soit dit en passant, je m'interroge sur le rôle que peuvent jouer les expo/concours en ce sens en choisissant, ou pas, de mettre cette catégorie en évidence, et en suscitant l'intérêt par l'exemple. Ce n'est pas une critique : même l'exposition de Kulmbach ne fait qu'à peine mieux, alors que sa bourse rassemble la quasi-intégralité des créateurs allemands.