Représenter le bois

De nombreuses publications évoquent le sujet de la représentation du bois en peinture. J'ai toujours à proximité le livre de Dessain et Tolra " Imitation des bois ", qui, outre les techniques de trompe d'oeil, propose des planches en couleur selon les essences de bois à simuler.
Il est devenu commun de constater que le bois brut (les arbres notamment, ou les pièces de bois non traitées, ou encore celles soumises à l'action du soleil) vieillit dans des tons gris et non bruns. Les bruns francs et chauds (burnt sienna) seront donc à éviter : c'est une erreur de débutant qui saute aux yeux et illustre surtout la nécessité de désaturer les couleurs. A côté d'un marron criard, un bois gris et désaturé marquera une vraie maîtrise des teintes et permet en outre des contrastes beaucoup plus évocateurs.

Pour les petits éléments (les lances tout particulièrement), les couleurs que j'évoque plus loin (burnt umber, jaune de naples, blanc) s'appliquent. On ira seulement plus rapidement à la figuration de la ligne éclairée qui court côté lumière.
On aurait tort de s'arrêter à faire ressortir le fond blanc par transparence : pour être vraiment convaincu, l'oeil a besoin que la ligne claire soit plus nettement marquée. Ne pas hésiter à forcer donc et figurer la ligne sur le côté éclairé, et non au milieu de la lance, bien sûr, pour bien marquer l'orientation de la lumière.

Pour les plus gros éléments, je propose la technique suivante :

  • La couche de fond, bien finie et uniforme (éviter une couche trop maigre car si des zones restent grisâtres, elles se verront par transparence), jouera un rôle particulièrement important en transparence : du jaune ou du blanc selon l’effet final recherché (mat humbrol). Une couche de fond jaune (l’exemple choisi ici) réchauffera l’ensemble, mais donnera aussi une teinte plus chaude qui n'est pas toujours indiquée : les éclaircies finissement par être trop jaune et on n'arrive pas efficacement à marquer des ombres subtiles. Une couche blanche ira plus rapidement vers un rendu dé-saturé. Toutes les nuances intermédiaires sont possibles ; certains encouragent notamment un beige (jaune sable pale) qui peut également donner de beaux effets.
    Sur l'exemple présenté ici, j'avais choisi le jaune pour éclairer cette pièce d'une série toute en couleurs froides. Si c'était à refaire, je partirai d'une base blanche.
  • Avec un pinceau plat sec, en balayant dans le sens du fil du bois, on tire une couche très fine et transparente de burnt umber (variante raw umber ou autre brun selon l'essence de bois). En tirant bien la peinture sur les zones éclairées, on commence déjà à déterminer les grandes zones claires et foncées. Attention : pas de diluant qui viendrait liquéfier la peinture : il faut bien tirer la peinture « sortie du tube ». La forme du pinceau permet de commencer à suggérer quelques veines dans le bois. La couche de fond reste partout visible en transparence. On laisse sécher cette première impression.
  • En travaillant sous forme de "glacis" transparents, avec la même teinte, et toujours à sec, on vient approfondir les grandes zones ombrées, sans se préoccuper des détails ni des ombres portées pour l'instant.
  • Toujours à sec, on vient ensuite poser des frottis birn ciblés de jaune de Naples, pour renforcer les grandes zones claires et commencer à faire ressortir les détails. Le jaune de Naples est très transparent : c’est un avantage car en obligeant à revenir plusieurs fois, il permet de moduler les effets. Ne pas trop chercher à accélérer les choses en lui ajoutant du blanc : ce dernier, trop couvrant (tout étant relatif), risque d’empâter les détails. On gardera cette action pour la toute fin.
  • On commence à dessiner les veines, détourer les détails au burnt umber. On pourra accentuer les creux les plus profond en l’augmentant très localement de noir.
  • Et on recommence l’alternance « éclaircies-ombres » aussi longtemps que nécessaire pour atteindre l’effet désiré. On peut renforcer l'effet du jaune de Naples avec du jaune de Naples foncé (beaucoup plus puissant, d'une belle teinte orangée et à utiliser avec prudence), ou avec du blanc (de titane).
  • A la toute fin,on termine par du raw umber pour re-souligner les détails et les lignes de structure (planches, noeuds, etc ...) en un léger jus qui peut aller jusqu'au noir. La transparence du raw umber permet de fondre ces ombres avec le reste de la peinture. On les précise peu à peu en s'inspirant de dessins réels. Il s'agit là d'une constance dans les conseils que je me donne avant tout à moi-même : ne croyons pas trop aisément que nous avons parfaitement dans l'oeil les modèles réalistes de veinage de bois (ainsi que leur échelle), d'ombrages ou de teinte ... Le plus souvent, le résultat sera plus réaliste en interprêtant un modèle réel. On accentue les ombres là où c'est nécessaire et on marque les ombres portées qui vont achever de marquer les volumes.
  • On traite les zones dont la clarté mérite d'être soutenue. Au risque de me répéter, il faut forcer les contrastes : vos éclaircies ont l'air bien ? Essayer une ultime touche de blanc pur là où se pose la lumière : c'est souvent dans cette ultime touche que la figurine prend vie, alors que sans elle, elle sera restée propre, mais sans vie. Ce blanc s’atténuera en séchant, il ne faut donc pas hésiter à forcer un peu. C’est l’éclat dans la perle qui donne son nom au tableau « La jeune fille à la perle » de Vermeer.
  • On n'oublie pas de saisir toute opportunité pour sur-détailler tout ce qui peut l'être : quelques clous sur les planches, quelque ultime rehaut, quelque trou ou déchirure simulé ...

Pour plus de précision sur les ultimes pointes d'éclaircies, voir l'atelier "Rehauts et ombres portées".

Le travail du bois aura progressivement achevé de me convaincre de deux choses :

  • il faut dé-saturer les couleurs,
  • il ne faut pas se priver du rehaut blanc, en n’hésitant pas à accentuer vraiment l’effet : c’est cela qui donnera vie et contraste à la figurine.