Comment obtenir une peinture précise ?

Vous maîtrisez les fondus, vous peignez avec attention (« Papa, tu peins très bien : tu ne débordes pas ! », me disaient mes filles lorsqu’elles étaient petites), pourtant, quand vous regardez vos figurines à côté de celles des grands peintres, vous en arrivez à vous demander si vous peignez vraiment le même genre de figurines … L'option rassurante seraient qu'eux-mêmes ou leurs pièces viennent d'une autre planète.La peinture de Daniel CANET est à ce titre édifiante (photo ci-contre).
D’où vient que les leurs paraissent plus fines, que de multiples détails viennent les enrichir là où les vôtres semblent nager dans une sorte de velouté qui faisait pourtant bonne figure tant que vous les soumettiez pas à cette cruelle comparaison ? Et si vous essayez d’en sortir en accentuant les teintes ou leurs contrastes, vous dégradez votre palette de couleurs ; le flou des formes n’est pas amélioré et la juxtaposition des couleurs que vous pensiez très futée n’a plus aucun sens …

La différence entre une excellente gravure et une moins bonne peut être une explication ; certains peintres regravent même leur figurine en précisant les zones de transition. Sans aller jusque-là, et à gravure égale, la peinture a un rôle essentiel à jouer : il ne faut pas limiter le souci de la finesse des traits à celle des détails.

L’obsession dans laquelle nous sommes de fondre perpétuellement les couleurs pour faire la transition entre clairs et foncés ne doit en effet pas nous faire perdre de vue la "rapidité" (la "dynamique" ?) plus ou moins grande de cette transition, c’est-à-dire, physiquement, la largeur de la zone. Elle est bien évidemment la traduction picturale de l'orientation de la lumière, dans le plan de la figurine (en général en haut à gauche, comme le soleil), mais aussi légèrement en avant de ce plan, ce qui lui donne beaucoup plus de richesse.
En plat, cela est d’autant plus crucial que c’est justement ça qui va nous permettre (ou pas ...) de donner du volume à notre peinture.

Prenons l’exemple d’une manche blanche devant un élément de buste bleu : nous sommes bien convaincus que le blanc s’arrête sans transition : la ligne de démarcation a une épaisseur nulle ; les deux couleurs se juxtaposent.
Eh bien aucune des phases suivantes d’ombrage ne doit nous faire perdre de vue cette évidence : le blanc ne déborde pas sur le bleu. Dit comme cela, ça a l’air évident ; et pourtant, quand vous aurez ombré l’arrière de la manche et que vous aurez travaillé sa jonction avec le buste sous-jacent, êtes-vous absolument sûr que vous aurez conservé cette limite infiniment fine ?

Très concrètement, cela consiste, pour ma part, à bien « repousser » le bleu au plus proche de la manche, et à achever la transition par la ligne la plus foncée (jusqu’au noir) uniquement sur cette ligne. Ensuite seulement, on travaille à ombrer le bleu. L'expérience aidant, nous nous épargnerons une étape (et une couche de peinture, voir la spécifité de la peinture de plats), mais il me semble important de bien comprendre ce qu'il y a ici à peindre.
Dans certains cas, cela reviendra à retrouver tout simplement une ligne plus large (manche presque dans le même plan que le buste avec une ombre rasante) ; mais pas toujours et, par ailleurs, selon la disposition relative des éléments, la manche elle-même ne présentera pas le même contraste. Je renvoie pour plus d’informations à l’atelier consacré aux ombres.

Nos figurines sont petites : nous y avons peu de place pour exprimer nos couleurs et nos textures : raison de plus pour ne pas gâcher ces précieux millimètres dans un flou approximatif. Une fois les ombres traitées, il n'y a plus qu'à aller chercher les éclaircies. Les rehauts sur des parties métalliques qui reflètent la lumière sont évidents.
Il faut chercher toutes les occasions d'en mettre d'autres en valeur. Et, là encore, la finesse est de mise. Mais elle est indissociable du contraste : deux lignes de même valeur extrêmement fines côte à côte ne se verront guère. Pensez que l'oeil humain à ses limites de perception. A un certain degré de finesse, les choses se mélangent : sur la photo jointe, j'avais tenté de travailler des alternances très fines de rouge et de bleu sur les bandes inférieures de l'armure ; total, l'oeil ne voit que du mauve. Le résultat est confus là où il espérait être une démonstration de finesse.

Sans contraste donc, la finesse ne suffit pas. Chaque fois que vous voulez mettre un détail en évidence, il faut non seulement le représenter avec toute la finesse dont vous serez capable ; mais pensez systématiquement à le mettre en évidence, généralement en ombrant nettement la zone arrière (par raport à la lumière incidente que vous simulez). Peut-être répugnez-vous comme moi à cette démonstration ostentatoire ; nous avons tort tous les deux ! Il ne s'agit pas d'ostentation, mais juste d'éclairer les fins détails qui font l'intérêt de la pièce ; et cela suppose, à nos échelles, de repousser le reste (nous parlons d'une fraction de millimètre !) dans l'ombre.

En fait, cela révèle le lien qu’il y a entre précision et contraste : une peinture précise est une peinture très contrastée localement. Ce qui vient ajouter de la richesse à notre peinture, ce sont les infinies variations de nuances ou les prises en compte complexes d’interactions entre les différents éléments que nous introduisons ; ce n’est pas le flou que nous laisserions à la jonction entre ces éléments.

Dernière suggestion, qui peut paraître paradoxale : nous pouvons mettre en lumière la partie arrière de notre manche. Comment cela, "mettre en lumière" ? Elle est à l'arrière ! Et, de plus, le cylindre qu'elle forme s'enfonce vers l'ombre ... Qu'y aurait-il à mettre en lumière ?
Un atelier particulier traitera de cette question, qui est d'ailleurs assez révélatrice de ce qu'est fondamentalement la peinture de plat, tout comme celle de tableau.